Poésies

Le soir, sur la colline Revoir Le soir, sur la colline Une haute lune passe...
Fleur bleue O, mère... Si les rameaux Somnolents, petits oiseaux...
Contes de fées Epitre 1 Tu es si frêle Pourquoi t'agiter, grand bois ?
Le lac Le désir Séparation A mi-rout' du bois touffu
Les fois où, mon aimée... Conte de fées Venise Oyez mon dernier voeu...
Sonnets Mélancolie De la vétuste cloche... De tant de mâts...
Je suis si loin de toi Dans ton jardin T'aimer secrètement Les ans passèrent
Parmi les flots du temps Minuit... Parais pour m'éclairer Te cherche-t-elle...
Toute cervelle maigre... Je pense à toi... J'ai cru qu'elle attendait... Tu ne me comprends pas...
Le jour je pense... Marie Tudor Il y en a... L'album
Sonnet satirique L'iambe Nos jeunes gens... L'océan...
La mer profonde... Glose Si mille étoiles... La descente des eaux




Le soir, sur la colline

Le soir, sur la colline, le buccin sonne avec peine.
Des troupeaux montent la sente d'étoiles parsemée,
Les eaux pleurent en jaillissant claires, dans les fontaines.
Sous un acacia tu m'attends, ma douce Bien Aimée.

La lune passe dans le ciel, sainte, limpide !
Tes grands yeux regardent le feuillage, s'y plongent,
Sur la voute sereine des astres naissent, humides,
Ton coeur est plein de désirs, ton front lourd de songes

Des nuages glissent et des rayons les transpercent.
Les maisons vers la lune lèvent d'anciens auvents.
Dans la brise légère le balancier du puit grince.
Le vallon fume. Dans un enclos une flûte s'entend.

Des hommes harrasés, l'épaule alourdie,
Rentrent des champs. Les sonnailes sonnent, se pâment
Ainsi que la cloche antique dans l'air assoupie.
Mon âme brûle d'amour comme une flamme.

Bientôt se calmeront le vallon, le village.
Bientôt mes pas fébriles vers toi seront plus pressés.
Toute une nuit, près du tronc couvert de branchages,
Je te dirai combien tu m'es chère, ma douce Bien Aimée.

En appuyant nos têtes, l'une contre l'autre,
Souriants nous dormirons, veillés par notre
Vieil acacia... Et pour une nuit si riche et plénière
Qui ne donnerait, en échange, sa vie toute entière... ?


1870 - traduction : Michel STERIADE



Fleur bleue

" Te voilà encore tout flamme,
Haut perché dans ton ciel gris !
Pour un peu, et tu m'oublies,
Source douce de mon âme !

Des ruisseaux dans le soleil
Et toute la plaine assyre
En ta tête en vain se mirent;
Imaginaires merveilles !

Le bonheur est là, plus près...
Au sommet des pyramides
Vainement, o, mon candide
Nien Aimé, le chercherais..."

Ainsi jadis parlait-elle,
La si douce, si petite;
Mots charmants qui ressuscitent
Notre histoire bleue et belle.

"Viens mon bien-aimé, là-bas,
Là où cette immense roche
Au-dessus du gouffre accroche,
Prête à choir, et ne choit pas.

Près ce frais sous-bois tout deux
Resterons assis sur des
Vertes feuilles de mûrier
Sous la claire voûte bleue.

Tu m'expliqueras des mythes,
Contes bleues et aventures !
Moi, tout près dans la verdure,
Compterai la marguerite.

Le soleil, docteur ès feux,
Saura m'embraser tout comme
Il a su rougir les pommes
Et dorer mes longs cheveux.

Avec eux je boucherai
Ta bouche pour la punir
De trop bien savoir venir
sur la mienne se poser.

Un baiser si tu prendras
Lorsque passe entre les branches
Un filet de lune blanche
Qui nous voit ? Et qui saura ?

Nous aurons de longs baisers,
Aussi longs que notre route
De feuillage arqué en voûte,
Aussi doux que fleurs cachées.

Arrivés au seuil des portes
Nous nous dirons dans le noir
Les exquis secrets du soir;
Quand au monde, bah ! qu'importe."

Puis elle s'enfuit muette,
Me laissant seul dans la brume,
Seul, debout contre la lune,
Avec ma fleur bleue en miettes.

Tu partis, douce merveille !
Et partirent nos amours !
Fleur bleue, ma fleur d'amour,
Tout s'éteint sous le soleil...


1873 - traduction : D. I. SUCHIANU



Conte de fées

Brumes blanches, scintillantes,
Sourdent de la lune qui
Très soigneusement les pose
Sur les eaux, sur les prairies.

Les fleurs toutes s'y assemblent
Pour se dire des histoires,
Et agraffent des topazes
Sur la robe des nuits noires.

Près du lac, où les nuages
Ont tissé ombres légères
Que les vagues rompent comme
rondes mottes de lumière,

Une enfant regarde l'onde,
Elle appelle un cher visage,
Et des roses jette rouges,
Car l'envoûte du rivage

Et le lac ensorcelé
Et les saules sont soumis
A la douce, à la très-sainte
Notre-Dame-du-Lundi;

Et l'enfant appelle encore,
Et des roses jette blanches,
Car ici commande et charme
Notre-Dame-des-Dimances...

Le grand lac reflète en feux
De l'enfant la douce face;
Et dans ses deux grands yeux bleus
tous les contes bleus s'amassent.


1876 - traduction : D. I. SUCIANU



Le Lac

Le lac bleu des bois énormes,
En nénuphars jaunes abonde.
Il ébranle une barque,
Au frisson des blanches rondes.

Moi, je passe le long des berges
A l'écoute, comme m'attendant
Qu'Elle par les roseaux s'amène,
Et dans mes bras retombant,

Que l'on saute dans la petite barque
Puis, au son des vagues berçantes,
Que je laisse la gouverne
et les rames seules glissantes;

Que l'on vogue sous le charme
De la douce clarté lunaire -
Que les joncs se mettent à bruire,
Qu'ondoyante résonne l'eau claire !

Elle ne vient pas et je pleure,
Et je souffre, seul au monde,
A côté du lac bleuâtre
Où les nuphars jaunes abondent.


1876 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Les fois où, mon aimée...

Les fois où mon aimée, à nous deux je repense
Un océan de glace, devant mes yeux s'avance
Et sur la voûte blanchâtre, aucune étoile, aucune.
Au loin, comme une tache, on voit la jaune lune.
Dessus les mille vagues, glacées, de neige couvertes
Un pauvre oiseau survole, peine en ses ailes ouvertes,
Pendant que sa compagne s'en va disparaissant
Avec le groupe des autres, tout droit vers le couchant.
Il souffre et sur ses traces, de longs regards il jette;
Il n'est ni gai, ni triste, plus rien; sa mort est prête,
Aux ans passés il songe alors, dans un instant.

......................................................................................................

Toujours plus loin nous sommes, ,tous deux nous éloignant;
Toujours plus seul, plus sombre, de glace je deviens.
Quand tu t'en vas te perdre, dans l'eternel matin.


1876 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Sonnets

I

C'est bien l'automne et les feuilles s'envolent,
Le vent jette aux carreaux de lourdes gouttes;
Des plis rongés, tu lis les lettres, toutes,
Et dans une heure, ta vie entière tu frôles.

Que quelqu'un frappe à ta porte tu redoutes,
Le temps s'écoule en douces babioles;
Toi, près du feu, tu rêves, tu somnoles,
On nest bien mieux lorsque la neige dégoutte.

De même, dans mon fauteuil assis, je rêve.
De Dokia, le très vieux conte s'entr'ouvre;
Autour de moi, la brume grossit sans trêve;

Soudain, le bruit d'une robe que je découvre,
Celui d'un pas léger, à peine s'élèvent...
Et des mains froides et fines mes yeux recouvrent.


1879 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU


II

De longues années passèrent - et d'autres passeront -
Depuis l'instant suprême de notre tendre amour.
A cette ivresse pure je pense encor, toujours,
Merveille aux froides mains, aux yeux grands et profonds.

Reviens pour m'inspirer des mots encor plus doux.
Que ton regard descende sur moi, enveloppant,
Qu'en son rayon ma vie s'écoule, calmement,
Et que ma lyre entonne des chants nouveaux et doux.

Tu ne sauras jamais combien ton approche
Calme mon coeur meurtri, le calme en profondeur,
Tel une étoile au soir, dans le silence proche...

Et lorsque je te vois sourire, enfant sage,
Toute ma vie de douleurs s'estompe et davantage
Mon âme se dilate, mon regard brûle plus fort !...

III

Lorsque même la voix de nos pensées se tait,
Quand la chanson d'un doux recueillement murmure
Alors j'ose t'appeler... Sauras-tu m'écouter... ?
Du froid brouillard planant seras-tu la rupture... ?

La force de la nuit la rendras-tu plus sereine
Avec tes grands yeux porteurs de paix... ? Elève -
Toi des ombres du temps afin que tu viennes
Vers moi, que je te voie venir, comme dans un rêve...

Descend tout doucement, plus proche encor, plus proche,
Sur mon visage triste en souriant te penche,
Par tes soupirs l'amour se fasse deviner...

De tes cils touche enfin mes paupières éteintes,
Fais-moi bien ressentir le frisson de l'étreinte,
Ô, toi, éternellemnt perdue et adorée... !


1879 - traduction : Michel STERIADE



Revoir

- Que fais-tu mon bois joli,
Car longs jours se sont enfuis
Depuis jour où ne t'ai vu
Et moult' terre parcourus.

- Que puis-je faire sinon
Ecouter l'hiver qui rompt
Tous mes troncs et mes feuillages,
Ecouter l'ami l'orage

Mes ruisseaux bouchant,
Ensevelissant
Les sentiers en blanc
Et tous mes vieux chants.

Et je fais encore ci
Besogne que toujours fis :
Par les jours d'été j'écoute
Chantant clair à travers routes

Femmes au cruchon,
Piquant leur jupon
S'en venant de l'eau
Fraîche du ruisseau.

- Jours s'en vont, jours s'en reviennent,
Toi, mon bois, de ton ancienne
Jeunesse sans cesse sors
Jeunesse plus neuve encor !

- Que me chaut si jours me passent,
Quant toujours à même place,
Etoiles, bon an mal an,
Luisent claires sur l'étang
Et si, bon ou mauvais jours,
Olth me coule, Pruth me court.

Seul l'homme est changeant
Sur terres errant,
Cependant que nous, céans
Restons ci, comme devant :

Terres et rivières,
Mondes et déserts,
La lune et les ourses,
Le bois et les sources.


1879 - traduction : D. I. SUCHIANU



O, mère...

O, Mère, douce Mère, du brouillard du temps
Tu m'appelles vers Toi par le vert bruissement
Des acacias perdant leurs feuilles, avec détresse,
Sur le caveau noir et saint de Ta sépulture.
Leurs branches en se touchant avec Ta voix murmurent.
Ils frémiront toujours, Tu dormiras sans cesse...

Ne pleure pas, Chèrie, lorsque je mourrai,
Mais romps un beau rameau au tilleul sacré
Et, le plantant à l'endroit de ma tête, laisse,
Couler sur lui tes larmes amères et fécondes.
Un jour je sentirai qu'il ombrage ma tombe...
Dans l'ombre grandissante je dormirai sans cesse...

Mais, s'il fallait ensemble que nous mourrions, un jour,
- Point de lieu triste, avec des murs autour -
Qu'au bord d'une rivière on nous ensevelisse,
Dans un même coffre, tous deux, comme avant,
Pour te sentir très proche, éternellement...
L'eau pleurera toujours, nous dormirons sans cesse...


1880 - traduction : Michel STERIADE



Epitre I

Lorsque, les cils lourds, je souffle le soir en mon luminaire,
L'horloge seule retrace du temps la longue carrière;
car alors, si l'on écarte les rideaux et dans la pièce
de la lune, voluptueuse, la lumière se déverse,
De la nuit des souvenances, elle, un infini ramène
de douleurs, mais comme en rêve, on ressent toute leur peine.

Lune, toi, des mers maîtresse, sur la voute du monde tu glisses,
Les pensées par toi s'avivent et toutes les souffrances pâlissent;
Mille et mille déserts scintillent, dessous ta clarté vierge
Et combien de bois, dans l'ombre, des éclats de sources protègent !
Sur les mille et mille vagues tu arrives dominante
Quand tu glisses sur la marine solitude ondoyante !
Et combien de rives fleuries, de palais et de cités
Pénétrés de ta magie, tu es seule à te montrer !
Etant mille et mille demeures, tout doucement tu parvins,
Bien pensive tu regardes tant de fronts de pensées pleins !
Là, un roi le globe recouvre pour un siècle de ses plans,
Quand au lendemain à peine ose penser l'indigent...
Quoique leurs vies différentes soient sorties de;l'urne du sort
sur eux tous, ton rai domine et le génjie de la mort.

A la même suite de faiblesses, tous de même étant soumis,
Qu'ils soient forts ou qu'ils soient veules, grands nigauds ou bien génies,
L'un regarde dans la glace ses cheveux pour les boucler,
L'autre cherche de par le monde et le temps la vérité,
Des milliers de croûtes ramasse d'après les feuilles jaunies
Et tous leurs noms périssables par des encoches les inscrit;
Au comptoir dessus la planche, l'un encore, le monde défalque
En comptant tout l'or que porte la mer dans ses noires barques.
Et là-bas, un bien vieux maître, le vêtement aux coudes rapé,
Un calcul sans fin commence pour encore recalculer.
Tremblotant de froid, resserre contre lui sa robe vieille,
Dans le col, son cou enfonce le coton dans ses oreilles;
Desséché comme il se trouve, tout voûté et bon à rien,
L'univers entier, sans bornes, dans son petit doigt il tient !
Avenir, passé ensemble sous son front se recomposent,
La profonde mit éternelle à la file la présuppose.
Comme jadis Atlas, qui porte tout le ciel sur son épaule,
Lui, l'éternité, le monde, par un seul nombre contrôle.

Quand la lune se pose brillante sur les vieux tomes qu'elle éclaire,
Sa pensée du coup l'emporte dans les siècles en arrière
Au début, lorsque ni être, ni non être n'existaient,
Que volonté ni que vie de ce temps il n'y avait,
Quand ne se cachait nulle chose quoique le tout fût caché,
Quand pénétré de lui même reposait l'inpénétré,
Fut-ce abîme ? Fut-ce un gouffre, ou vaste étendue d'eau lisse ?
Pas de monde compréhensible ni raison qui le saisisse.
Ce n'étaient que des ténèbres, mer sans rayon de lumière;
Il n'y eu rien de visible et nul oeil qui le repère.
Des choses non faites, l'ombre n'était pas encore défaite,
Régnait une paix éternelle en elle-même satisfaite !...
Tout à coup un point s'agite ... seul et premier qui s'avère !
Qui du chaos fait une mère et lui-même devient le Père.

Plus faible qu'une bulle d'écume, ce petit point qui s'agite
Sur les larges limites du monde est le maître sans limites...
Depuis, la brume éternelle, elle, en des lambeaux se fend,
Depuis, prend naissance le monde, lune, soleil, éléments,
Depuis, et toujours encore, colonies de mondes perdus
Viennent des vallées chaotiques sur des sentiers inconnus
Et dans des essaims qui brillent, émergeant de l'infini
Attirés sont à la vie, d'un désir inassouvi,
Et dedans ce vaste monde, nous, enfants du monde petit,
Ne faisons sur cette terre que des buttes de fourmis,
De microscopiques peuples, roi, soldats et des savants,
En lignées qui se succèdent; nous, merveilles nous estimant.
Mouches d'un jour, dans un petit monde qui à l'aune se mesure,
Dans cet infini on tourne, oubliant dans cette posture
Que tout le système du monde n'est qu'une seconde pendante,
Que devant et que derrière, rien que du noir se présente,
Et nous, tels que la poussière, qui d'un rai subit l'empire
Ces milliers de fils bleuâtres qui sans ce rayon expirent,
Nous n'avons de l'éternelle nuit, toujours restée profonde,
Rien que ce qui dure encore; le rayon et la seconde...
S'éteint-il ? Tout va se perdre, ombre qui dans le noir pique,
Car c'est un rêve du non-être, cet univers chimérique.

Le penseur de notre époque, sans arrêt sa tête exerce,
A l'instant dans les mille siècles du futur sa pensée perce;
Le soleil encore splendide, il le voit triste et rougi,
Se fermant comme une blessure dans les nuages assombris,
Les planétes rebelles se jettent dans l'espace toutes glacées,
Elles, des freins de la lumière et du soleil échappées,
Et les grands confins du monde sont en profondeur noircis,
Telles des feuilles mortes en automne, les étoiles ont toutes péri.
Le temps mort alors s'allonge et devient éternité,
Car plus rien de rien n'arrive sur l'étendue désertée
Et dans la nuit du non-être tout retombe, tout est silence,
En elle-même satisfaite, l'éternelle paix recommence...

A partir de la base même du gros de l'humanité,
Et en remontant l'échelle jusques aux fronts couronnés,
De résoudre, tous, l'énigme de leur vie, sont désireux,
Mais qui est-ce qui pourrait dire quel est le plus malheureux ?
C'est que l'un, dans tous s'intègre comme dans l'une, toutes subsistent,
Pourtant, au-dessus s'élève, seul qui peut, seul qui persiste.
Quand d'aucuns, le coeur tout humble et qui dans l'ombre sont stables,
Ignorés, secrets, se perdent, comme l'écume insaisissable.
Peu importe au sort aveugle, ce qu'ils disent, ce qu'ils pensent,
Dessus l'existence humaine, tel qu'un vent, par vagues s'avance.

Que les écrivains l'exaltent; le monde peut le reconnaitre...
Mais qu'est-ce qui revient au juste, à ce pauvre vieux maître ?
L'immortalité dira-t-on. C'est vrai que sa vie entière
A une seule idée s'attache,comme à l'arbre le lierre.
Il se dit : "Si je trépasse, mon nom emporté va être
Par les âges, de bouche en bouche, pour le faire encore connaître
A jamais partout. Mes oeuvres, dans quelques coins de cervelles
A côté du nom, peut-être, vont trouver abri pour elles !"
Oh ! mon pauvre ! Te rappelles-tu, ce que toi-même a parlé ?
Tout ce qu'on t'a fait entendre ou devant toi a défilé ?
Très peu, quelque bande d'images, par ci par là répandues,
Comme pensée, quelque petite trace ou quelque papier menu.
Et lorsque ta propre vie, tu ne la sais pas par coeur,
D'autres se fendront, le crois-tu, pour pénétrer dans son for ?
Parmi des rébuts de tomes, installé, lui-même rébut,
Un pédant aux yeux verdâtres, dans les cent ans révolus,
L'atticisme de ta langue, à peser il se mettra,
La poussière levée du livre, des bésicles essuiera
Pour te réduire à deux lignes placées à la queue d'une note
Sans valeur et sans substance, tout en bas d'une page sotte.

Tu peux bien bâtir un monde, le briser,rien n'est à faire,
Par dessus tout, se dépose une seule pelletée de terre.
Dans les quatre planches entrent, bien à l'aise, la main qui brigue
De tout l'univers le sceptre et toutes les pensées cosmiques.
Ils suivront, pour tes obsèques, en convoi de circonstance
Splendide comme une ironie,aux regards d'indifférence;
Et plus haut que tous les autres, un petit rien viendra parler
Non pour faire ton éloge, mais lui-même s'astiquer
Sous ta propre renommée. Voilà tout ce qui t'attend !
Plus de justice manifeste la postérité pourtant...
Ton égale ne pouvant être, crois-tu bien qu'elle t'admire ?
Ils applaudiront sans doute, le bouquin tâchant de dire
Dans une mince biographie, que tu ne fus pas grand chose,
Mais un homme comme sont eux-mêmes. Chacun est flatté à cause
Que toi plus que lui ne comptes. Ses narines abêtissantes
Les enfle celui qui siège dans les assemblées savantes
Lorsque de toi on discute. C'est pour sûr prévu d'avance
Qu'on te loue par des paroles, avec d'ironiques grimaces.
Ainsi tombé dans leurs pattes, des quiconques vont te reprendre
Rien que de mal ils vont dire de ce qu'ils peuvent comprendre...
En dehors de toutes ces choses, dans ta vie par des dédales
Vont chercher beaucoup de taches, de méfaits, de petits scandales -
C'est ce qui d'eux te rapproche et non pas cette luminence
Que tu verses de par le monde. Mais péchés, fautesqu'ils te lancent,
Et fatique et faiblesse et tous ces maux qui s'insèrent
De manière inévitable dans une petite poignée de terre.
Toutes les mesquines misères d'une âme torturée
De beaucoup plus les attire que ce que tu as pensé.

......................................................................................................

Par les murs, parmi les arbres qui laissent tomber leurs fleurs,
Combien la pleine lune déverse de calme splendeur !
de la nuitdes souvenances, elle, milliers d'ardeurs ramène,
Engourdie est leur souffrance, comme en rêve on sent leur peine;
Car dans notre monde intime, de l'entrée elle pousse les portes
Et quand les lumières s'éteignent, des ombres par mille en sortent...
Mille et mille déserts scintillent dessous ta clarté vierge,
Et combien de bois dans l'ombre, des éclats de sources protègent !
Sur les mille et mille vagues, tu arrives dominante
Quand tu glisses sur la marine solitude ondyante !
Et tous ceux qui dans ce monde sont sous le pouvoir du sort
C'est ton rai qui les domine et le génie de la mort !


1881 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Le désir

Viens dans le bois, à la source
Frissonnant sur le gravier,
Où les tendres herbes se cachent
Sous les branches sur elles ployées,

Vers mes bras tendus cours vite,
Sur mon sein te laisse tomber,
Que je puisse défaire ton voile,
Du visage l'écarter.

Et sur mes genoux assise,
Seuls au monde nous resterons,
Du tilleul, toutes frémissantes,
Les fleurs sur toi glisseront.

Ton front blanc aux boucles blondes,
Sur mon bras tu pencheras
Et ta bouche aux douces lèvres,
La proie de ma bouche sera...

Nous ferons le si beau rêve,
Où s'emmêlent fredonnant,
Chants de sources solitaires,
De légers souffles du vent.

Endormis par l'harmonie
Du grand bois lourd de pensées,
Du tilleul, les fleurs en files,
Sur nous viendront s'amasser.


1876 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Conte de fées

Brumes blanches, scintillantes,
Sourdent de la lune qui
Très soigneusement les pose
Sur les eaux, sur les prairies.

Les fleurs toutes s'y assemblent
Pour se dire des histoires,
Et agraffent des topazes
Sur la robe des nuits noires.

Une enfant regarde l'onde,
Elle appelle un cher visage,
Et des roses jette rouges,
Car l'envoûte du rivage

Et le lac ensorcelé
Et les saules sont soumis
A la douce, à la très sainte
Notre-Dame-du-Lundi;

Et l'enfant appelle encore,
Et des roses jette blanches,
Car ici commande et charme
Notre-Dames-des-Dimanches...

Le grand lac reflète en feux
De l'enfant la douce face;
Et dans ses deux grands yeux bleus
Tous les contes bleus s'amassent.


1876 - traduction : D. I. SUCHIANU



Mélancolie

C'était comme si les nues avaient ouvert une porte
Pour que la reine blanche des nuits y passe, morte.
- Au firmament, dans ton auguste mausolée, -
Tombeau d'azur, - là-haut, sous gaze argentée,
O, dors en paix, ô dors, veillé de mille flambeaux,
Toi, adoré monarque des nuits, si doux, si beau !
La terre est riche en vastes espaces, et l'argent
D'un voile de frimas vêtit villages et champs;
Et comme enduits de chaux scintillent dans les airs
Murailles et ruines jonchant le champ désert.
Le cimetière seul y veille avec ses croix,
Une chouette grise sur l'une d'elles s'assoit,
Le haut clocher crépite, les piliers de même,
Et, si fendant les airs le beau démon tout blême
Effleure, en passant, l'airain du bout des ailes -
Un triste son en sort, d'une âme qui se fêle.
L'église ruinée
Est là, pieuse et triste, déserte, surannée;
Par les fenêtres vides, il semble que le vent -
Jetant des charmes, siffle des mots que l'on entend
Et sur l'iconostase, les murs, les voûtes sombres,
A peine reste-t-il des galbes et des ombres;
Le prêtre - un grillon - dévide un songe obscur,
Une vrillette-chantre répond dessous le mur.

......................................................................................................

La foi revêt de saints les murs des basiliques -
Aussi m'emplit-elle l'âme de contes féériques,
Mais, vagues de la vie passant, et ses orages,
Ne restent que les ombres des anciennes images.
Dans mon cerveau ce monde en vain le chercherais-je,
Car une cigale rauque y fait des sortilèges :
En vain ma main se pose contre mon coeur désert, -
Il ronge comme ronge, dans le cercueil, un ver.
Et il me semble, lorsque je pense à ma vie,
Qu'une bouche étrangère m'en conte le récit,
Que c'est la vie d'autrui, que je n'aie pas été.

......................................................................................................

Qui donc me la raconte par coeur ? A l'écouter,
Je ris de mes douleurs, qui ne sont plus à moi ...
C'est comme si j'étais mort depuis longtemps déjà.


traduction : Emanoil MARCU



Le soir, sur la colline

Le soir, sur la colline, le buccin sonne avec peine.
Des troupeaux montent le sente d'étoiles parsemée,
Les eaux pleurent en jaillissant claires, dans les fontaines.
Sous un acacia tu m'attends, ma douce Bien Aimée.

La lune passe dans le ciel, sainte, limpide !
Tes grands yeux regardent le feuillage, s'y plongent,
Sur la voûte sereine des astres naissent, humides.
Ton coeur est plein de désirs, ton front lourd de songes.

Des nuages glissent et des rayons les transpercent.
Les maisons vers la lune lèvent d'anciens auvents.
Dans la brise légère le balancier du puit grince.
Le vallon fume. Dans un enclos une flûte s'entend.

Des hommes harassés, l'épaule alourdie,
Rentrent des champs. Les sonnailes sonnent, se pâment
Ainsi que la cloche antique dans l'air assoupie,
Mon âme brûle d'amour comme une flamme.

Bientôt se calmeront le vallon, le village.
Bientôt mes pas fébriles vers toi seront plus pressés.
Toute une nuit, près du tronc couvert de branchages,
Je te dirai combien tu m'es chère, ma douce Bien Aimée.

En appuyant nos têtes, l'une contre l'autre,
Souriants nous dormirons, veillés par notre
Vieil acacia... Et pour une nuit si riche et pleinière
Qui ne donnerait, en échange, sa vie tout entière... ?


1872 - traduction : Michel STERIADE



Si les rameaux

Si les rameaux à ma croisée
Frappent et frissonnent les trembles,
C'est que tu sois dans ma pensée
Et t'approcher me sembles.

Si les étoiles, éclairer
Le fond du lac, s'en viennent,
C'est que ma peine soit apaisée
Par des pensées sereines.

Si les nuages épais glissant,
La lune se révèle,
C'est que toujours, en t'évoquant,
A moi tu te rappelles.


1883 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Tu es si frêle

Tu es si frêle que tu ressembles
A la fleur blanche du cerisier.
Ange ressortant parmi les hommes,
Sur mon chemin tu apparais.

A peine le tapis tu frôles,
La soie résonne sous tes pas
Et de la tête aux pieds, légère,
Pareille au rêve qui flotte tu vas.

Des draperies de ta robe longue
Telle que le marbre tu surgis -
Mon âme s'accroche aux yeux humides
De larmes et de bonheur remplis.

Ô, songe des amours heureuses,
Toi, mariée d'un conte de fées,
Ne souris plus, car ton sourire
Me montre combien douce tu es,

Combien tu peux d'une nuit de charmes
Mes yeux assombrir à jamais
Et de ta bouche aux chauds murmures
Et de l'étreinte de tes bras frais.

Soudain une idée passe,
Un voile sur ton regard brûlant;
C'est l'ombre des désirs si tendres,
C'est bien le noir renoncement.

Tu pars et je t'ai bien comprise,
Perdue pour toute l'éternité
Tes pas je ne veux pas les suivre,
Toi, de mon coeur, la mariée !

Que je t'aie vue, c'est bien ma faute
De moi toujours non pardonnée.
Pour expier mon rêve-lumière
En vain la main droite je tendrai.

Je te verrai comme une icône
De la très pure vierge Marie,
Portant sur ton front la couronne.
Quand viens-tu ? Où es-tu partie ?


1879 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Séparation

Te demander un gage qui te rappelle à moi ?
C'est toi que je désire, mais tu n'est plus à toi;
Non, ni la fleur mourante ornant tes cheveux blonds,
De toi je ne quémande qu'oubli et abandon.

Cette douleur cruelle, de mon bonheur éteint
Pourquoi ne pas l'éteindre et la garder sans fin ?
Quand le ruisseau chantonne toujours renouvelé,
Pourquoi tant de constance, dans le regret passé,
Si tels qu'un songe d'ombre nous devons tous glisser,
Tels que l'ombre d'un songe ce monde traverser ?
Pourquoi donc, par la suite, t'occuper de mon sort
Et compter les années qui volent sur les morts ?
Qu'importe que je meure aujourd'hui ou demain,
Quand je veux disparaître de tout esprit humain,
Et veux que tu oublies notre bonheur rêvé ?
En remontant la file de ce temps écoulé,
Qu'elle soit noire l'ombre où nous aurons plongé,
Comme si nos rencontres n'eussent pas existé
Et que ce temps superbe, d'ardeur fût dépourvu -
Pardonneras-tu chère mon amour éperdu ?
La face au mur me laisse parmi les étrangers
Pour que sous ma paupière mon oeil soit tout glacé,
Et lorsque dans la terre la terre rentrera,
D'où je viens et qui suis-je, qui est-ce qui le saura ?
Par les murailles froides, des chants plaintifs, l'écho,
Demandera la grâce de l'éternel repos;
Je veux qu'alors vienne quelqu'un à mes côtés
Et que ton nom murmure sur mes yeux fermés.
Puis, au bord de la route me jette qui voudra...
Bien mieux qu'à cette heure pour moi il en sera.
Que des corbeaux, la bande, de tout au loin venue,
Tout le ciel noicisse sur mes yeux sans vue.
Soudain paru, l'orage, s'abatte en donnant
Mes cendres à la glèbe et tout mon coeur au vent...

Mais toi, tout en fleur reste, comme un avril serein,
Aux grands yeux humides, au sourire enfantin.
Si jeune que tu fusses, toujours plus jeune sois
Et rien de moi ne sache, comme je n'en saurai, moi.


1879 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Venise

Elle s'était éteinte la vie de Venise.
On ne voit plus des bals, leurs lustres féeriques;
Par d'escaliers de marbre, sous des vieux portiques,
La lune passe en blanchissant les parois grises.

Okèanos sur les canaux se plaint sans cesse.
Lui seul est jeune, éternellement jeune au monde;
Cognant les murs anciens, sonnant fort de ses ondes,
Il aurait bien voulu ranimer sa maîtresse.

Mais un tombal silence régne dans la ville.
Comme un pontif resté de temps invétérés,
San Marc, sinistre, bat les coups de minuit.

Avec cette profonde voix d'une Sibylle,
Il se prononce en des secondes cadencées :
"En vain ! Les morts ne ressuscitent pas, petit !...


1883 - traduction : Al. VITIANU



De la vétuste cloche...

De la vétuste cloche l'airain frappe minuit,
Mais le sommeil, grand maître des douanes de la vie,
Refuse mon péage, refuse mon passage.
En vain la mort me porte vers de connus rivages
Pour fondre en un mélange trépas et existence;
En vain de ma pensée je penche les balances:
Car entre les deux rives, antique et majuscule,
Se tient, inéxorable, l'inflexible pendule.


1883 - traduction : D. I. SUCHIANU



Une haute lune passe...

Une haute lune passe.
Et du fond des bois qui sonnent
Envoûtant et monotone
On entend un cor de chasse.

De si loin, plus loin encore
Assourdi, si assourdi
Sur mon âme qu'adoucit
Un exquis désir de mort.

O ! pourquoi ta voix se tait
Quand mon coeur cherche ta route ?
Sonneras-tu, douce envoûte,
De ton cor, pour moi, jamais ?


1883 - traduction : D. I. SUCHIANU



Somnolents, petits oiseaux...

Somnolents, petits oiseaux,
Ils s'assemblent près des nids,
Se cachant dans les rameaux.
Bonne nuit.

Rien que des eaux, leur soupir.
Noire, la fôret se tait.
Et les fleurs se sont couchées,
Dors en paix.

Parmi les joncs, de dormir
Le cygne a l'envie pareil;
Que les anges te soient près,
Doux sommeil...

Et la lune s'élevant,
Tout repose maintenant
Dans le rêve et l'harmonie.
Bonne nuit !


1883 - traduction : Al. VITIANU



Pourquoi t'agiter, grand bois ?

- Pourquoi t'agiter, grand bois ?
Sans pluie sans vent, dis pourquoi
Tes branches à terre ploies ?

- Comment donc ne pas ployer
Si mon temps s'est écoulé ?
Jours petits, nuits qui grandissent,
Mon feuillage l'éclaircissent.
Par mes feuilles le vent s'il passe,
Tous mes bons chanteurs les chasse.
Bise, qui de côté m'empoigne,
Vient l'hiver, l'été s'éloigne.
Comment ne pas me pencher,
Voyant les oiseaux passer ?
Au dessus de mes ramelles,
Passent des vols d'hirondelles,
Prenant ma chance avec elles;
Et mes pensées sur leurs ailes.
Tour à tour, elles s'en vont,
Obscurcissant l'horizon.
S'en vont comme les instants,
Leurs ailerons secouant.
Et me laissent appauvri,
Tout fané et engourdi,
Avec mon regret cuisant,
Lui tout seul m'accompagnant.


1883 - traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



A mi-rout' du bois touffu

A mi-rout' du bois toufu
Mille oiseaux sont accourus,
Mille oiseaux et mille oiselles,
Attirés vers blanche et belle
Clairière des étangs,
Où le haut roseau se tend,
Se détend et se balance,
Et reflète ses cadences
Dans l'étang qui se pénètre
Jusqu'au fond de son être
Et de lune, et de soleil,
Et de vifs oiseaux vermeils,
Et de soleil, et de lune,
Et d'oiseaux cherchant fortune,
Et d'étoiles qui sourient
A l'image de ma mie...


1883 - traduction : D. I. SUCHIANU



Oyez mon dernier voeu...

Oyez mon dernier voeu
Je veux qu'on m'enterre
Par un soir calme et bleu
Tout près de la mer.
Que la forêt me soit
Prochaine et amie
Et que mon ciel se noie
En mer, infini.
Point d'oriflammes ni
Cortège et flambeaux,
Mais simplement un lit
De tendres rameaux.

Que nul ma mort ne pleure,
Hormis, monotone,
Le triste glas mineur
Des feuilles d'automne.
Qu'un clair ruisseau fouette
Ses eaux une à une
Pendant que la lune
Glisse de crête en crête.
Que sons de sonnaille
Pénètrent le vent
Et qu'un tilleul géant
Recourbe sa taille.

Avant de finir
Je veux que m'engloutissent
Et que m'ensevelissent
Les chers souvenirs.
A nouveau souriront
Etoiles amies
Par à travers les longs
Feuillages flétris.
Et à l'heure du linceul
Je resterai là,
Poussière en au-delà,
Immensément seul.


1883 - traduction : D. I. SUCHIANU



De tant de mâts...

De tant de mâts, de tant de voiles
qui vont quitter les ports brumeux
combien verront briser leur toile
par les autans, par les flots bleus ?

De tant d'oiseaux dont le passage
peuple le ciel de vols fuyants,
combien mourront loin du rivage
sous les flots bleus, sous les autans ?

Ah, que tu chasses la fortune
ou l'idéal mystérieux,
ils te suivront, sans trêve aucune,
tous les autans, tous les flots bleus.

Redite encor, jamais comprise,
l'âme éternelle de ton chant,
vole à jamais, toujours reprise
par les flots bleus, par les autans.


1880 - traduction : Annie BENTOIU



Je suis si loin de toi...

Je suis si loin de toi et seul auprès du feu,
Ma vie, cette infortune, repasse devant mes yeux,
Et il me semble que sur mes épaules je porte
Un faix de cent hivers, que toi ... tu serais morte.
Dans l'âme qui s'oublie les souvenirs refluent
Ressuscitant la moindre des pages révolues;
Frappant dans les fenêtres le vent se fait entendre
Et je retords le fil de nos histoires tendres...
Enveloppée de brumes je crois te voir qui passes,
Aux grands yeux en pleurs, aux fines mains de glace,
Et à mon cou pendue, tu cherches à me dire
Des mots mystérieux... tu pousses des soupirs...
J'embrasse mon trésor d'amour, d'envoûtements,
Nos pauvres vies s'unissent en un baiser ardent...
O ! qu'à jamais la voix des souvenirs, amère,
Se taise, que j'oublie ma chance éphémère,
L'instant où tu m'aimas, pour après me quitter...

Je serai vieux et seul, toi, morte et enterrée !


traduction : Emanoil MARCU



Dans ton jardin

Je suis dans ton jardin... La nuit est claire.
Les arbres tendent leurs branches sur moi,
Des branches fleuries me prennent comme des bras
Les arbres remuent sous la brise légère.

Et moi, par la fenêtre, je te vois :
Toi, tu regardes, les yeux dans la lumière.
La vague d'or des nattes, à la défaire,
Tes fines mains ont fatigués déjà.

Tu l'as jetée sur tes épaules frêles
Et, en rêvant, tu ouvres ton corsage,
Tu lèves doucement et souffle la chandelle...

Mes yeux demeurent dans le noir; là-haut,
Etoiles scintillant par le branchage...
La lune triste luit dans les carreaux


traduction : Emanoil MARCU



T'aimer secrètement

T'aimer secrètement fut mon larcin,
Pour être à ton goût, car j'ai cru lire
En tes regards un éternel empire
De rêves voluptueux et assassins

Je n'en peux plus; ma flamme fond la cire
Du vain cachet qui cèle mon dessein;
Aussi veux-je brûler aux flammes de ton sein,
De l'âme qui me sait et me désire.

Mes lèvres et mes yeux de fièvre torturés
Les vois-tu donc, pour m'en guérir, ma reine,
Ma douce enfant aux longs cheveux dorés ?

Tu rafraîchis mon front de ton haleine,
Et ton sourire enivre ma pensée.
Ô viens contre mon coeur... ôte ma peine.


traduction : Emanoil MARCU



Les ans passèrent...

Comme des nuages survolant les plaines,
Pour ne plus revenir, les ans passèrent,
Et ne me charment plus, comme me charmèrent,
Contes de fées, légendes, cantilènes

Qui déridaient mon jeune front naguère,
Riches de sens cachés, saisies à peine -
En vain tes ombres à présent me prennent,
Ô, doux couchant, heure du mystère.

En vain je prends mon luth et le caresse
Pour ranimer un son des jours passés,
Pour m'arracher à mon sommeil funèbre;

Tout est perdu, au loin, dans la jeunesse,
La douce voix d'un autre âge se tait,
Le temps m'ensevelit... je m'enténèbre !


traduction : Emanoil MARCU



Parmi les flots du temps...

Parmi les flots du temps, ma mie, tu m'apparais
Aux bras marmoréens, aux longs cheveux dorés -
Et ton visage pâle, coulé en blanche cire,
Se plie sous quelque tendre chagrin, mais ton sourire
Caresse mes yeux et sa douceur m'enflamme,
Ô femme entre les astres, étoile entre les femmes !
Ton moindre geste peut me faire verser des pleurs
De joie, et dans tes yeux je vois mon seul bonheur.

Mais des ténèbres froides, comment t'en arracher,
Pour que l'on soit ensemble, cher ange adoré ?
Je veux que mon visage sur le tien se couche,
Sous mes baisers ardents j'étoufferais ta bouche,
En réchauffant ta main frileuse sur mon coeur
En la tenant plus près, plus près de moi encor...

Mais tu n'es pas du monde d'ici-bas, hélas !
Et tu te perds, - une ombre dans le brouillard de glace,
Et moi je reste seul, les mains pendantes, vides
Ne retenant du rêve qu'un souvenir languide...
En vain mes bras se dressent pour te saisir, chère ombre :
Des flots du temps passé je ne peux pas te rompre


traduction : Emanoil MARCU



Minuit

Minuit. Sonne l'airain. Les douze coups s'envolent,
Morphée, à sa douane, refuse mon obole.
L'esprit me veut porter sur ses vieilles voies
Où vie et mort pesant, il me faut faire un choix;
Mais aujourd'hui encore, en vain je les repense,
Car entre l'une et l'autre l'esprit tient la balance.


traduction : Emanoil MARCU



Parais pour m'éclairer

Parais pour m'éclairer, douce lumière,
De mon céleste rêve de jadis, émerge !
Ô, sainte mère, éternelle vierge,
Viens dissiper la nuit de mes chimères

Ne laisse pas s'éteindre comme un cierge
Mon espérance, - exauce ma prière
Même si la faute est à moi entière;
Que ton regard m'apaise et me protège.

Mis à l'écart, perdu dans la détresse
De mon néant, je ne crois plus à rien
Et mon ardeur, ma force, ont tari.

Redonne-moi la foi et la jeunesse,
De ton ciel d'étoiles réapparais, reviens
Afin que je t'adore à jamais, Marie !


traduction : Emanoil MARCU



Te cherche-t-elle...

Te cherche-t-elle - ce jour encor - mon âme ? -
C'est que sans toi je n'ai rien à dire...
Et si le monde va - de ce poème - médire,
Tant pis pour lui, à lui sera le blâme.

Si mes enfants en sont le point de mire, -
Qu'il fasse donc, je n'en fais pas un drame;
Ce que je crains - autant que je réclame -
C'est ton avis, ma mie, non pas leurs dires.

L'amour avec la mort sont ennemis :
Fidèle à la seconde, je l'ai cherchée souvent,
Mais tu m'en détournas, ma chère enfant

Tu as gagné et regagné ma vie -
Alors ses chants et fruits, te les devant,
Je te les offre tous : de même que celui-ci !


traduction : Emanoil MARCU



Toute cervelle maigre

Se croire génie, toute cervelle maigre
Le peut, de même les sots qu'elle charme
Avec ses vers tout creux, et son vacarme;
Qu'elle soit donc couronnée de par la pègre.

Ainsi soit-il, - ma muse reste calme.
Je n'ai qu'un compagnon, mais doux, intègre,
Je lui dédie toujours mes vers allègres, -
Des chants que ne comblèrent pas les palmes.

Quand elle se penchera sur mes ébauches
Elle va juger et rajuster mes vers :
Là, un qui traîne, l'autre - là - qui cloche...

Ainsi découvre-t-elle mon univers,
Sur l'arche de mes songes elle s'approche
Et dans mon âme la sienne se perd.


traduction : Emanoil MARCU



Je pense à toi

Je pense à toi et j'ai le coeur qui crève...
Si tout moment de joie m'était ravi, -
Que me vaudrait encor une telle vie :
Toute d'amertume et d'éphémères rêves !

Pourquoi ta voix se glace dans la nuit ?
Ton corps exquis, - ô, souriante Eve -
Qui fut à moi une heure, unique et brève, -
Le reverront-ils donc, encor mes yeux tout éblouis ?

Toi, blonde chance d'une rêverie fugace,
Toi, rêve blond d'une chance illusoire,
Si tu reviens, ne l'attends pas, - ma grâce !

Je vais te sermonner, et pour le croire -
Il faut, ma douce amie, que je t'embrasse
Et te caresse à perdre la mémoire.


traduction : Emanoil MARCU



J'ai cru qu'elle attendait...

Jai cru qu'elle attendait que je la serre
Contre mon sein, pour qu'elle aussi m'enlace
Et que l'on reste ensemble, face à face,
Dans ses beaux yeux lisant ma vie entière.

Mais, sans se rendre, elle changea de place
Tirant son doux visage en arrière;
Ses yeux, en me guettant, me demandèrent :
Qu'elle me permette ou non que je l'embrasse ?

Elle n'en finit jamais de ces caprices,
Plus on la prie, plus elle s'arrache et glisse,
Quoiqu'à la fin... elle ne soit pas si ferme.

Ces doux refus que la beauté oppose,
Combats agrémentant les jours moroses,
Je les chéris, car j'en connais le terme.


traduction : Emanoil MARCU



Tu ne me comprends pas...

Il n'est pas de mystère qui ait pour moi le prix
De celui par lequel tes charmes ont fleuri;
C'est que j'ignore une autre merveille pour laquelle
Je changerais ma vie contre des bagatelles
Et mes pensées sereines contre de pauvres mots;
T'enveloppant en leurs évanescents échos
Je veux, du tendre rêve, faire un ouvrage d'orfèvre,
Pour empêcher son ombre d'aller dans les ténèbres.

......................................................................................................

Si aujourd'hui, pour toi, esclave de tes charmes,
Je change en joyaux chacune de mes larmes,
Si je te vois surgir pareille au marbre clair
Aux yeux resplendissant d'une froide lumière
Qui éblouit mon oeil de sorte qu'il ne voie,
Dans leur profonde nuit, tes songes d'autrefois,
Aujourd'hui, lorsque ma famme est aussi pure
Que cette auréole de charme qui t'entoure,
Que l'éternelle soif qui réunit sitôt
Lumière et ténèbres ou marbre et ciseau,
Quand ma passion est si profonde et sincère
Qu'elle n'a pas sa pareille entre ciel et terre,
Quand j'aime tout, mais tout ce qui t'appartient,
Un rire, un frisson, le mal et le bien,
Lorsque l'énigme même de mon destin c'est toi...
Je vois à tes paroles : tu ne me comprends pas !


traduction : Emanoil MARCU



Le jour je pense

Ma vie s'écoule, pénible et amère :
Le jour je pense et la nuit je veille, -
Voudra-t-elle, la nature, prêter l'oreille
A ma supplique - et me satisfaire ?

Je n'en demande que le froid cercueil,
Un long repos après mon long calvaire -
Plutôt qu'aimer sans chance, je préfère
Que la camarade ferme à jamais mon oeil.

Car notre monde n'est qu'une géhenne :
Ses flots - une torture, ses pensées - écume,
Les charmes de la vie en dissimulent les peines.

Je ne t'ai vue qu'une fois - et l'amertume
Du monde m'a comblé, en souveraine...
L'ai-je donc mérité, ce mal qui me consume ?


traduction : Emanoil MARCU



Marie Tudor

Pourquoi sous les portails tes yeux l'escortent,
Le regardant muette et transie de peur ?
Tu guettes en lionne, le front en sueur,
Tes poings se crispent, la furie t'emporte.

Tu exhortas à l'oeuvre ton faucheur;
Des vies en gerbes, telle est sa récolte;
Tu affrontas pour lui tant de révoltes,
Mais tu réchauffes un traître sur ton coeur.

Au ciel t'élève une envie fatale,
Car de tes lords assassinés tu sais
Faire à Fabiano échelle triomphale.

Mais tu es reine, et ceci te plait.
Celui qui sous ton front de cire pâle
Voit la tempête de ta vie - se tait.


traduction : Emanoil MARCU



Il y en a...

Il y en a que le destin préfère,
Qui prennent au vol les charmes de la vie, -
Tous les matins l'aurore leur sourit,
Par tous les temps les astres les éclairent.

Mais dis-le moi, enfant rêveuse : - si
J'ai fait de toi mon astre sur la terre,
Pourquoi leurs rangs pour moi se refermèrent
Et ce qu'ils prennent, - tu me l'interdis ?!

J'étais perdu dans l'ombre engourdie,
Mes jours déserts passaient comme une écume,
J'étais aveugle aux charmes de la vie...

Mais je t'ai vue... une fois... et l'amertume
Du monde m'a percé le coeur... Depuis
Je l'ai entier, ce mal qui me consume.


traduction : Emanoil MARCU



L'album

L'album ? Un bal masqué que l'on redoute :
On s'y regarde tous de haut en bas,
Dissimulant sa gueule, sa pensée, sa voix...
On parle tous en coeur et nul n'écoute.

J'entrai aussi. Je ralentis mes pas.
J'essaye un vers avec ma plume brute
Et pose sur la table une feuille en déroute
Dont même le Parnasse n'en rêve pas.

Pour te ressouvenir les fêtes d'autrefois,
Tu veux que j'y écrive, que j'y signe.
De tous tu fauches une gerbe - C'est ta proie,

Puis tu revois les feuilles, et tu clignes
De l'oeil, en te moquant de nos tournois,
De la bêtise clouée en quelques lignes.


traduction : Emanoil MARCU



Sonnet satirique

Tu as la main piquée par une abeille,
Car tu ne cesses de frotter ta plume :
De tout ce que tu forges sur l'enclume -
Les mots sont neufs, mais la teneur est vieille.

Ecrire ce que l'on pense - nous le dûmes,
Mais tu n'as rien de neuf à dire, Oreille,*
De Pantazi tu es l'image pareille,
Ses vieilles bourdes, toi, tu les rallumes.

Ton front me semble un piètre emballage,
Et tes écrits - du vent, et de la crotte,
Les dieux, hélas ! ont déserté tes pages.

L'esprit est creux derrière tes parlotes :
Tu bats sa paille sèche avec rage
Mais rien ne sort d'une tête de linotte !


* V. A. Urechea (en français Oreille), adversaire littéraire et politique de Mihai Eminescu.

traduction : Emanoil MARCU



Nos jeunes gens...

Cest à Paris que vont nos jeunes gens
Apprendre modes, manières, grâces -
Puis ils nous viennent éclairer les masses,
Avec leurs têtes de moutons savants.

Ils laissent bouche bée la populace
Qui les regarde faire les élégants,
Frisés, et long cigare entre les dents...
La vie - c'est le corso, pour ces paillasses.

Piliers de cabarets et de bordels,
Ils font les saltimbanques, ils nasillent,
Mais pas un seul à l'oeuvre ne s'attelle.

Et cette marchandise de pacotille, -
Eux, qui ont oublié leur langue maternelle,
Se croient étoiles au ciel de la patrie.


traduction : Emanoil MARCU



L'ïambe

Depuis longtemps je cherche la mesure
Riche tel - aux rayons - le miel d'automne,
Pour en couler mes vers, en des colonnes
Qui sans accroc enjambent la césure

Les étendards en vibrent et bourdonnent -
passions et haines se réveillent, dures -
Mais il nous fait parler d'une voix si pure
Lorsqu'à l'Amour timide on s'abandonne.

Je ne sais pas s'il est de notre monde;
Si l'on entend en lui le son des ondes,
S'il les mérite, donc, mes ronds de jambe -

Je ne le sais juger ni le comprendre...
Mais le plus riche des vers, pudique et tendre,
Et fort - s'il le voudra - c'est toujours l'ïambe.


traduction : Emanoil MARCU



L'océan

Ah ! l'océan, ce qu'il est fou de rage -
Hurlant il dresse mille bras de mousse !
Jusquà ce que l'orage en son lit le repousse, -
Il frappe les cieux, s'accroche aux nuages.

En vain le ciel appelle à sa rescousse
Les foudres effrayantes, car l'océan, sauvage,
Prenant l'azur pour un sien rivage
Y monte à l'assaut et se courrouce.

Blessé par les éclairs, enfin il s'amollit
Et un zéphir l'endort avec un conte;
En rêve - le ciel se penche sur son lit

Et tout ce qu'il rêvait, il l'a sans faute :
La voûte, les étoiles, la lune d'or poli...
Il dort en murmurant - et murmurant sursaute.


traduction : Emanoil MARCU



La mer profonde...

La mer profonde sous la lune pâle,
Rassérénée par la lumière blonde,
Dans ses abysses rêve tout un monde,
Sur son miroir elle porte des étoiles.

Demain - elle fait bouger les noires ondes,
Et dans sa rage elle écume et râle,
Ses mille bras se dressent pour une fatale
Etreinte aux rivages qu'elle inonde.

Un jour - déluge, l'autre - doux murmure,
Une harmonie sans bornes, fantastique, -
Telle est sa sombre, ténébreuse nature,

Telle reste l'âme de la mer antique.
Et sans daigner nous regarder, elle dure -
Indifférente, infinie, unique !


traduction : Emanoil MARCU



Glose

Temps qui fuit, temps qui s'amène,
Toutes sont vieilles, nouvelles sont toutes;
Mal ou Bien, quelle est leur veine
T'interroge, calcule le doute;
N'espère pas, ni n'appréhende,
Une vague, comme vague passe;
On t'incite, on te demande,
Pour toutes choses reste de glace.

Devant nous passent bien des choses,
Notre ouïe beaucoup percutent.
Qui dans la tête se les pose ?
Qui resterait à l'écoute ?
De côté te range tranquille,
A te retrouver t'entraîne,
Lorsqu'en de vains bruits défilent
Temps qui fuit, temps qui s'amène.

Que ni la raison n'incline
L'aiguille de sa froide balance
Vers l'instant changeant sa mine
Pour le masque de la chance,
Qui de son trépas va naître;
Dure peut-être une seule minute.
Pour qui sait les choses connaître,
Toutes sont vieilles, nouvelles sont toutes.

Spectateur comme au théâtre
Dans la vie te considère :
Que l'un interprètre même quatre
Son visage pour toi s'avère.
Et s'il pleure, s'il cherche querelle,
Tu t'amuses et vois sans peine
Tout ce que sont art recèle,
Mal ou Bien, quelle est leur veine.

Avenir, Passé, s'induisent,
D'une seule feuille sont les deux faces,
Du début peuvent voir les traces
Dans la fin, ceux qui s'instruisent;
Choses qui furent ou qui vont être,
Au présent on les a toutes,
Leur vanité pour connaître
T'interroge, calcule le doute.

Car les mêmes moyens régissent
Tout ce qu'ici bas existe,
Depuis tant d'années qui glissent,
Il est gai, le monde, et triste;
D'autres masques, jouent la même pièce,
D'autres bouches, la même gamme rendent,
Tant de fois dupé, toi, laisse,
N'espère pas, ni n'appréhende.

N'espère, quand les misérables
Vers la gloire des ponts lancent,
Te dépassent niais minables,
Même si tu n'es que brillance;
Calme-toi, à nouveau impliquent
L'un de l'autre la disgrâce,
Ne te mêle pas à leur clique;
Une vague, comme vague passe.

En chantant, tel qu'une sirène,
Le monde tend des rêts qui brillent,
Pour changer d'acteurs en scène,
Il attire et entortille;
Toi, de côté, les évite,
Qu'insensible tu te rendes
Si pour que ta route tu quittes
On t'incite, on te demande.

Blessé, met-toi en réserve,
Bafoué, tes mots ravale;
Tes conseils à quoi leur servent
Quand tu sais bien ce qu'ils valent ?
Tous sont libres de médire,
Qui voudra, par ce monde passe;
Qu à aimer, rien ne t'attire,
Pour toutes choses reste de glace.

Pour toutes choses reste de glace,
On t'incite, on te demande;
Une vague comme vague passe,
N'espère pas, ni n'appréhende;
T'interroge, calcule le doute
Mal ou Bien, quelle est leur veine;
Toutes sont vieilles, nouvelles sont toutes :
Temps qui fuit, temps qui s'amène.


traduction : Véturia DRAGANESCU-VERICEANU



Si mille étoiles

Si mille étoiles tremblent sur la voûte,
Si mille vagues rident l'océan,
Avec leur lumière, leur scintillement,
Ce que cela veut dire - qui s'en doute ?

Donc mille voies se valent tout autant.
Sois saint ou scélérat, ce que tu goûtes,
Tout est poussière, et de tous, de toutes,
Va hériter l'oubli, et le néant.

Je rêve que je me meurs... ils sont déjà dehors
Ceux qui attendent, sombres, qu'on m'enterre...
J'entends des chants, je vois des torches encor...

O, viens plus près, approche, ombre chère,
Juste au-dessus de moi, belle ange de la mort
Aux ailes noires, aux fraîches paupières.


traduction : Emanoil MARCU



La descente des eaux

Les sources naissent dans les monts pierreux,
Ruissellent dans les bois et se baladent,
Et apprenant la langue des naïades,
Remplissent les forêts de chants joyeux.

Elles coulent en douceur, se jettent en cascades
Creusant dans le roc leur lit tortueux;
Si change en route le décor sous les yeux,
La vie est unique, sous mille façades

Mais plus elles descendent, plus leur voix baisse,
Dévale l'échelle des sons et s'altère,
De plus en plus se chargeant de tristesse.

Et quand elles débouchent dans la mer amère,
- Fleuve grondant, aux ondes épaisses, -
Leur douce voix d'antan, déjà elles l'oublièrent


traduction : Emanoil MARCU